Couple âgé de musiciens des Balkans d'origine Turcophone.
Je les ai vu tous les deux sur le pavé de la place du Centre Georges Pompidou. Leurs visages étaient tristes et leur musique descendue des yayla (pâturages itinérants) donnaient à leur présence un sentiment poignant. Les routes de l’exil sont pavées de souffrance, de rejet, de nostalgie, d'oubli. La définition de l'exil est celle-ci : Détresse, malheur, tourment. La définition a peu à peu évolué en signification de: Toute personne qui quitte volontairement ou non son pays. Des personnages célèbres en exil lui ont donné une connotation plus anodine ou romantique:Chateaubriand, Courbet, Freud, Hugo, Zola, Trotski, Nazim Hikmet, Yilmaz Güney… La liste est longue… On ne quitte jamais son pays pour le plaisir ou pour voir les lumières des grandes capitales. C'est toujours un traumatisme dont on ne se remet pas. Poème d'exil de Nazim Hikmet. Je suis né en 1902 Je ne suis jamais revenu dans ma ville natale Je n'aime pas les retours. A l'âge de trois ans à Alep, je fis ma profession de petit-fils de pacha À dix-neuf ans, d'étudiant à l'université communiste à Moscou À quarante-neuf ans à Moscou, d'invité du Comité Central, et depuis ma quatorzième année, j'exerce le métier de poète Il y a des gens qui connaissent les diverses variétés de poissons Moi celles des séparations. Il y a des gens qui peuvent citer par coeur le nom des étoiles, moi ceux des nostalgies. J'ai été locataire et des prisons et grands hôtels, J'ai connu la faim et aussi la grève de la faim et il n'est pas de mets dont j'ignore le goût. Quand j'ai atteint trente ans on a voulu me pendre, à ma quarante huitième année on a voulu me donner le Prix mondial de la Paix Et on me l'a donné. Au cours de ma trente-sixième année, j'ai parcouru en six mois quatre mètres carrés de béton. Dans ma cinquante-neuvième année j'ai volé de Prague à La Havane en dix-huit heures. Je n'ai pas vu Lénine, mais j'ai monté la garde près de son catafalque en 1924. En 1961 la mausolée que je visite, ce sont ses livres. On s'est efforcé de me détacher de mon Parti Ça n'a pas marché Je n'ai pas été écrasé sous les idoles qui tombent. En 1951 sur une mer, en compagnie d'un camarade, j'ai marché vers la mort. En 1952, le coeur fêlé, j'ai attendu la mort quatre mois allongé sur le dos. J'ai été fou de jalousie des femmes que j'ai aimées. Je n'ai même pas envié Charlot pour un iota. J'ai trompé mes femmes Mais je n'ai jamais médit derrière le dos de mes amis. J'ai bu sans devenir ivrogne, Par bonheur, j'ai toujours gagné mon pain à la sueur de mon front. Si j'ai menti c'est qu'il m'est arrivé d'avoir honte pour autrui, J'ai menti pour ne pas peiner un autre, Mais j'ai aussi menti sans raison. J'ai pris le train, l'avion, l'automobile, La plupart des gens ne peuvent les prendre. Je suis allé à l'opéra La plupart des gens ne peuvent y aller et en ignorent même le nom, Mais là où vont la plupart des gens, je n'y suis pas allé depuis 1921 : À la Mosquée, à l'église, à la synagogue, au temple, chez le sorcier, mais j'ai lu quelquefois dans le marc de café. On m'imprime dans trente ou quarante langues Mais en Turquie je suis interdit dans ma propre langue. Je n'ai pas eu de cancer jusqu'à présent, On n'est pas obligé de l'avoir Je ne serai pas Premier ministre, etc. Et je n'ai aucun penchant pour ce genre d'occupation. Je n'ai pas fait la guerre, Je ne suis pas descendu la nuit dans les abris, Je n'étais pas sur les routes d'exode, sous les avions volant en rase-mottes, mais à l'approche de la soixantaine je suis tombé amoureux. En bref, camarade, aujourd'hui à Berlin, crevant de nostalgie comme un chien, Je ne puis dire que j'ai vécu comme un homme Mais le temps qu'il me reste à vivre, et ce qui pourra m'arriver Qui le sait ? Nâzim hikmet Pastel sur papier Fabriano 110 cm sur 75 cm.
Couple de Yörük sur les routes de l'exil.
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